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Statut de l’enfant et autorité : à quel prix veut-on faire de lui un adulte
- Par sandrine-bauden
- Le 26/03/2022
À un âge pourtant avancé de notre civilisation, au sein d'une société occidentale ultra-développée, le statut de l'enfant demeure flou et soulève bien des paradoxes. La crise actuelle en révèle les contours. Dans une nation moderne où l’homme et la femme semblent accomplis en tant qu’adultes et dont la valeur est reconnue, les enfants apparaissent de plus en plus vulnérables face à l’état psychique de leurs aînés sous pression. Comment en est-on arrivé à un tel constat ? Serait-ce un retour en arrière ? La nation reconnaît que son peuple a de la valeur, certes, mais cette reconnaissance semble fondée sur des critères numériques, une estimation chiffrée de ce qu’il représente aux yeux des hautes instances. Aujourd’hui, en raison de la pandémie de Covid-19, c’est un code-barres qui identifie les citoyens ayant rempli le devoir vaccinal – imposé dès l’âge de douze ans – et leur permet de circuler librement et de poursuivre leurs activités. Un QR code, similaire à ceux qu’on retrouve sur les emballages de confiseries achetées en grande surface, devient un sésame, un accès restreint, un prix à payer pour exister dans une société qui, si elle semble avoir perdu la raison, n’a pas perdu ses moyens techniques ni financiers. Une société aseptisée, déshumanisée, qui fonce droit dans le mur, comme frappée dans sa chair pour non-respect des lois naturelles du vivant.
Des citoyens à peine adolescents se voient offrir une place inédite dans la pyramide sociale : ils sont comptés parmi les adultes responsables au nom de la cause sanitaire. Pourtant, les enfants n’ont pas naturellement le désir de gravir les échelons de cette société matérialiste et déconnectée de leur vivance. Leur ambition n’est pas de servir une mécanique de consommation ou de pouvoir, à moins qu’ils ne soient happés par l’attrait du numérique ou des intelligences artificielles mises à leur disposition pour soi-disant leur simplifier la vie. Qualifiés d’innocents, ils s’interrogent sur les mystères de la vie, bien plus que sur la rentabilité ou le rendement. L’appât du gain ne les touche pas encore ; ils troquent quelques cailloux brillants entre eux pour le plaisir du jeu. Ils ne sont pas actifs dans l’économie, ne paient pas d’impôts, et ne devraient donc pas être investis de responsabilités adultes.
Pourtant, le qualificatif de "citoyen" leur est attribué de manière ubuesque, uniquement parce qu’ils sont vaccinés. Ceux qui refusent l’injection sont d’emblée mis à l’écart, comme s’ils étaient les seuls responsables de la propagation virale. Une partie du peuple se retrouve marginalisée pour avoir exercé un droit naturel : celui de disposer de son corps et de sa santé, en refusant un produit expérimental aux effets incertains à long terme. La question n’est pas d’être pour ou contre la vaccination des jeunes, mais de s’interroger sur la part réelle de liberté laissée aux enfants dans cette décision. La pression sur les parents est colossale. Qui, aujourd’hui, peut encore s’arroger une autorité suprême sur un être humain au point de le contraindre à recevoir, ou à administrer, une injection contre son gré ? Même les enfants n’appartiennent pas à leurs parents. Être citoyen, c’est contribuer à la société par ses droits politiques. Mais ici, on place sur un même plan le jeune et l’adulte. L’enfant devient du jour au lendemain responsable de ses concitoyens en recevant une injection qui lui octroie un passe-droit sanitaire. Il est élevé au rang d’adulte non pas par maturation, mais par nécessité logistique. Il ne participe pas encore à la vie politique, ne crée pas de valeur, et pourtant on le charge des mêmes devoirs que ses aînés. À douze ans, il est sommé de faire un choix majeur sans réelle autonomie ni discernement. L’expression "majeur et vacciné", symbole d’indépendance, perd tout son sens.
Les injonctions répétées à la vaccination infantile traduisent l’affolement d’un système gouverné par la peur. Une société en déclin, érigée sur l’apparence, sacrifie sur l’autel de l’urgence sanitaire ce qu’elle a de plus précieux : ses enfants. L’information circule vite, les décisions encore plus, et les citoyens, pris de court, réagissent au lieu d’agir. Cette civilisation brillante en surface sombre en réalité, tiraillée entre son culte de l’efficacité et sa perte de repères humains. La lumière se fait pourtant dans cette obscurité : les masques tombent, les voiles se déchirent, les illusions se dissipent.
L’enfant est précipité hors du berceau pour monter au front, au même titre que ses parents. "Nous sommes en guerre", nous avait-on prévenus. Mais qu’est-ce qui distingue encore un enfant de douze ans d’un adulte dans cette société ? Pourquoi le traite-t-on comme un égal dans les devoirs citoyens, tout en négligeant son droit à la parole ? Est-il considéré comme suffisamment armé pour se défendre sur ce champ de bataille sanitaire ? Qui a peur au point d’ériger ce jeune être en bouclier vivant, souvent non consentant ? A-t-on seulement mesuré l’impact psychologique de cette assignation ? Le temps manque pour réfléchir, et l’espace d’analyse se réduit à mesure que l’urgence domine.
Les hautes sphères semblent avoir avancé l’âge de la majorité en créant un désordre nouveau : les enfants sont traités comme des adultes, et les adultes comme des enfants. C’est le monde à l’envers. Une inversion où la gouvernance, par ses décisions infantiles et inconscientes, fait porter le poids de ses erreurs à ceux qui n’ont encore rien choisi. Une pagaille teintée de peur, où les droits de l’Homme se dissolvent dans une autorité coercitive qui ne dit pas son nom. Alors une question demeure : que signifie être adulte aujourd’hui dans une société infantilisée par un patriarcat qui, au nom du bien commun, infantilise pour mieux contrôler ? Peut-être ne savons-nous plus vraiment ce que signifie "être adulte", et il serait temps d’élever l’enfant au rang qui lui revient. S’il est reconnu comme responsable, il doit être accompagné dans une émancipation véritable, sans demi-mesure. Il est temps de lui accorder un respect accru, une écoute réelle, une confiance totale dans sa capacité à co-construire son éducation. On décide trop souvent à sa place, jusqu’à la majorité, des choix les plus fondamentaux, sans l’inclure dans la réflexion. Il ne s’agit pas ici de choisir entre un manteau rouge ou bleu, mais de décisions vitales, liées à son avenir, à son intégrité physique.
En France, jusqu’à dix-huit ans — ou éventuellement dix-sept en cas d’émancipation — les décisions concernant l’enfant relèvent des tuteurs légaux. Il est mieux considéré qu’autrefois, certes, mais encore loin d’être un sujet de droit autonome. Avant le XVIIIe siècle, l’enfant n’existait pas juridiquement : il était propriété du père. La majorité était fixée à vingt-cinq ans. Jusqu’à cet âge, il n’avait aucun droit. Rousseau, dans L’Émile, dénonce cette injustice. Depuis la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, l’égalité à la naissance est reconnue, en principe. Une reconnaissance législative émerge lentement : en 1833, l’éducation devient obligatoire, puis le travail des enfants est peu à peu interdit. Il faudra attendre le XXe siècle pour voir naître la Déclaration des Droits de l’Enfant, et enfin, en 1989, la Convention internationale qui le consacre comme sujet de droits — mais pas encore comme individu à part entière.
Parmi les cinquante-quatre articles de cette convention, plusieurs ne sont pas respectés. Il est écrit, par exemple, que l’enfant doit pouvoir être consulté pour toute décision le concernant, selon son degré de maturité — et non selon son âge. Pourtant, on le vaccine sans son consentement, on l’oblige à porter un masque des heures durant, malgré les risques avérés pour son développement cérébral, malgré ses protestations, dans le simple but de continuer à vivre une enfance normale : faire du sport, aller au cinéma, fréquenter l’école. Certes, les conditions de vie des enfants se sont améliorées. Mais aujourd’hui, nous assistons à une régression brutale de leurs droits, une involution qui frappe enfants et adultes indistinctement. La crise sanitaire est aussi une crise du libre arbitre. L’enfant est un individu, et pourtant, on l’exclut du processus décisionnel. Il clame pourtant depuis sa petite enfance — dès deux ans parfois — son désir de liberté. Bien sûr, à cet âge, il ne peut choisir en conscience. Mais qu’est-ce que choisir en conscience ? Et qui peut affirmer être conscient aujourd’hui ?
De nombreux enfants ne souhaitent pas être injectés malgré la peur ambiante. En dépit de leur jeune âge, ils évaluent les risques et font confiance à la vie. Ils vous diront que, si cela doit arriver, c’est que "c’était écrit". Cette foi dans le vivant est inscrite en eux. Mais la peur de contaminer les adultes, martelée sans relâche dans les médias, les a profondément marqués. Le traumatisme est là. La culpabilité pèse lourdement sur leurs épaules. L’empreinte est indélébile. Certains enfants expriment leurs doutes, d’autres se taisent. Le consentement des enfants est complexe, car leur affect est malléable. Ils cherchent à protéger ceux qu’ils aiment, et se rallient souvent à leurs décisions. Certains réclament même l’injection, non par conviction, mais pour ne plus avoir peur d’être une menace pour autrui. Avant sept ans, l’enfant ne peut argumenter. Mais passé cet âge, il peut forger une opinion, d’abord par mimétisme, puis par discernement, s’il a été éduqué à la pensée critique.
Aujourd’hui, la jeunesse semble enrôlée dans une lutte invisible, embarquée dans un combat perdu d’avance contre un virus insaisissable. L’enfant participe à l’effort de guerre. Il est "adultifié", soldat parmi d’autres. Demain, il pourra revendiquer le statut d’ancien combattant, pour avoir risqué ou compromis sa vie dans une guerre sanitaire. Peut-être lui réservera-t-on une place d’honneur dans une société ruinée qu’il lui faudra reconstruire. Alors, une dernière série de questions se pose : serons-nous prêts, au sortir de cette nuit, à reconnaître la grandeur des enfants ? Serons-nous capables de leur accorder la parole, de les encourager à l’autonomie, dès qu’ils en manifestent le besoin ? Pourra-t-on enfin leur faire confiance, sans craindre de perdre un pouvoir sur eux, mais en acceptant de le partager avec eux ?
Le monde change. Les jeunes aussi. N’ayons plus peur de leur faire davantage confiance. Soyons les adultes que nous aurions voulu avoir à nos côtés.
Il existe aujourd’hui des pédagogies du vivant, fondées sur la science et la conscience, pour accompagner enfants et parents à grandir ensemble dans le respect mutuel. Parce que l’avenir s’écrit au présent, La Pédagogie Bio-Logique© propose un dispositif d’accompagnement complet à l’individualisation des jeunes et un programme de guidance parentale pour une éducation évolutive, sensible et durable.
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La frontière floue entre l’adulte et le jeune : vers une autorité en mutatio
- Par sandrine-bauden
- Le 26/03/2022
La différence autrefois très marquée entre l’adulte et le jeune ne serait-elle pas en train de s’atténuer sur le plan psychologique ?
Voici une question qui commence à faire sens ces derniers temps. S’interroger sur la place laissée à chacun pour exercer sa propre autorité dans le monde — ou sur la manière dont il revient à chacun de la prendre pour s’individualiser réellement dans le but de devenir cet être libre et pacifique auquel nous aspirons tous — est devenu un véritable enjeu par les temps qui courent.
Beaucoup d’adultes éprouvent le sentiment profond de ne pas être dans leur véritable autorité, ce qui n’est pas sans rappeler le mal-être parfois très prononcé que ressentent les jeunes "en crise", dont on reconnaît les prémices dès l’âge de sept ans, et qui s’installe plus souvent vers l’âge de treize ans. Ces adultes ont le sentiment que la société les infantilise, par exemple lorsqu’elle leur demande de se soumettre à la volonté de ses gouvernants et de faire confiance à l’aveugle. Avec l’épidémie de Covid-19 et la gestion de la crise sanitaire dans de nombreux pays industrialisés, les citoyens adultes ont pu expérimenter une forme d’autorité qu’on peut qualifier d’abusive. L’exercice plein de cette autorité, appliquant des mesures coercitives pour le bien du peuple, montre que le statut du citoyen adulte n’est guère plus enviable que celui de l’enfant, qui doit encore très souvent obéir sans rien avoir à redire. L’adulte ne semble finalement pas autorisé à disposer de lui-même en tant qu’être déclaré pourtant responsable par la société, sa "mère patrie". On l’incite à appliquer un florilège de mesures contraignantes, réduisant son champ décisionnel, lesquelles sont parfois discutables pour sa santé, et ce, au nom du bien communautaire. Il est certain qu’un virus sévit, mais il semblerait que la propagation de la peur à grande échelle, projetée sur tous les écrans, soit également un véritable fléau.
Ces derniers temps, nombreux sont ceux qui se sont interrogés sur le maintien prolongé des mesures contraignant la libre circulation des citoyens dans notre pays. Certains journalistes politiques ont même observé des réminiscences du droit divin parmi les représentants du pouvoir, dans ce qui fut autrefois une royauté. Étienne de La Boétie, écrivain humaniste, résumait parfaitement la mécanique du pouvoir pyramidal de l’ancienne monarchie dans Discours de la servitude volontaire, au beau milieu du XVIe siècle, alors qu’il n’avait que dix-huit ans. Jeune aristocrate choqué par les guerres de religion et le pouvoir exercé sur un peuple opprimé, il comprend très vite que la tradition monarchique s’apparente à une domination du peuple.
Au XXIe siècle, les choses ont bien changé. Les citoyens des pays développés, comme le nôtre, devenu république démocratique, ne subissent plus un pouvoir totalitaire qui les domine. Pourtant, à y regarder de plus près, on est en droit de se demander : qu’est-ce qui différencie la domination de la servitude volontaire ? Depuis des siècles, les peuples se sont émancipés — en apparence du moins. La gouvernance semble avoir affiné les mécanismes d’assujettissement des populations. Peu importe que le monarque soit bon ou mauvais, tant que le système social dans lequel il évolue aliène les individus et compromet leur égalité.
Des épisodes marqués par de profondes prises de conscience ont jalonné l’histoire, menant parfois à des actes de désobéissance civile. Le plus célèbre d’entre eux reste sans doute la Révolution de 1789. La révolution ? N’entend-on pas encore résonner sa voix dans nos oreilles depuis un passé finalement pas si lointain ? L’annonce de la levée des restrictions sanitaires a calmé l’échauffement d’une foule exténuée. Pourtant, ce répit sera de courte durée, car une autre guerre, d’un autre genre, a éclaté entre grandes puissances mondialistes, tandis que dans les coulisses du Parlement européen, on prépare en secret de nouvelles doses pour une probable vaccination obligatoire.
Aujourd’hui, nous connaissons la notion de "fabrique du consentement", expression empruntée à Walter Lippmann, tirée de son ouvrage Public Opinion, publié dans les années 1920. Il y explique que l’opinion publique en démocratie doit être rigoureusement encadrée. Chomsky et Herman, qui ont prolongé cette réflexion, ont identifié cinq filtres par lesquels s’exerce la propagande des médias de masse : poids des sources officielles, idéologie dominante, etc. Cette propagande se répandrait aujourd’hui à travers une ingénierie sociale au profit d’un ordre établi, au service d’intérêts non révélés. Les méthodes sont certes plus sophistiquées qu’au XVIe siècle, mais leurs effets sur les populations demeurent similaires, voire à peine plus subtils. Les dirigeants modernes tentent aussi de légitimer leur pouvoir en s’appuyant sur un système idéologique pyramidal. À l’aide de chiffres parfois approximatifs et de récits fabriqués, ils renforcent la croyance d’une nation fragilisée par son contexte. Autrefois, on distribuait du pain au peuple pour le calmer, surtout en temps de crise. Aujourd’hui, on lui offre du divertissement et des primes pour stimuler l’adhésion. Voilà comment l’histoire semble se répéter, prise dans une boucle temporelle.
Pourquoi est-il si difficile de demeurer centré sur soi, à l’écart du tumulte sociétal ? Pourquoi est-ce si ardu d’écouter cette voix intérieure qui nous invite à rester nous-mêmes lorsque tout s’écroule autour de nous ? Peut-être simplement parce que nous ne l’avons pas appris enfants. La peur de mourir, de manquer, de perdre un proche, ou d’être privé de liberté, sont autant de cordes sensibles activées par des protocoles sanitaires lourds, une médiatisation extrême, et d’autres mesures qui créent une dissonance générale. Une cacophonie qui entraîne chacun dans un chaos où la perte de sens atteint son paroxysme. Rêver d’une isocratie, où chacun exercerait le pouvoir à égalité, semble une utopie humaniste dans la société actuelle. Pourtant, la vraie question demeure celle du statut de l’être. Que signifie être libre aujourd’hui ? Et qui l’est vraiment ? L’enfant ? L’adulte ?
Il semble que les individus, même dans les sociétés dites les plus développées, aient acquis un statut quasi-unique, particulièrement depuis ces deux dernières années. À tout âge, ils sont mobilisés, plus ou moins volontairement, pour les besoins d’une cause ni vraiment humanitaire, ni véritablement humaniste. Enfants ou adultes, tous subissent le même traitement. Personne n’est épargné, ni par le virus, ni par des mesures parfois radicales. Il y a peu de recours possibles pour faire entendre sa voix — encore moins pour les enfants — lorsqu’il s’agit de se soigner selon ses propres convictions. Même les médecins, comme le docteur Louis Fouché ou le professeur Didier Raoult, ont été empêchés de prescrire certains traitements pourtant reconnus comme efficaces. Se taire, patienter, renoncer à une liberté déjà relative, ou basculer dans l’opposition, sont les choix offerts. Le divertissement, terrain de jeu traditionnellement réservé aux enfants, devient une monnaie d’échange pour les adultes. Mais où est passée l’autorité de ces derniers, si la parole leur est confisquée ou dirigée ?
La majorité des populations acquiesce aux demandes des États "pères", tandis que d’autres manifestent leur opposition de manière éloquente. Petits et grands répondent aux injonctions sanitaires par respect ou par crainte. Ces injonctions, parfois absurdes, peuvent avoir des conséquences dommageables sur la santé. Le rapport de l’ANSM (du 14 au 27 janvier 2022) évoque près de 55 000 effets indésirables liés aux trois principaux vaccins anti-Covid, dont des AVC, embolies pulmonaires et infarctus. La stratégie du "tout vaccinal" apparaît discutable.
Le docteur Philippe Bobola, physicien, biologiste, anthropologue et psychanalyste, a récemment livré ses conclusions sur les conséquences psychologiques de la crise sanitaire. Il décrit comment une gouvernance au récit bien rodé peut déresponsabiliser un peuple sans même qu’il s’en aperçoive. L’"autoritarisme bienveillant" peut rendre docile même le plus rebelle des hommes, surtout si la peur de perdre sa liberté est forte. Se voir interdire les sorties, les loisirs, les réunions entre amis sans autorisation… Voilà qui rappelle l’"enfant puni".
Certains se soumettent, d’autres se révoltent. Pourquoi tant de conformisme ? Qui peut nous contraindre malgré le manque de motivation intérieure ? Une fois encore, on observe peu de différence entre la gestion émotionnelle du jeune et celle de l’adulte, face à une figure d’autorité. Cette similitude comportementale nous ramène à cet "enfant intérieur" niché en chacun de nous. Et si la crise d’adolescence s’étendait à toute une vie ? L’enfant a longtemps été relégué au second plan dans notre civilisation. Cela pouvait sembler nécessaire à son développement, car il a besoin des plus grands pour grandir. Mais les temps changent. L’attente d’autonomie est parfois insupportable pour les jeunes. Combien d’adultes disent avoir eu hâte de quitter le foyer parental pour enfin être libres ? Ces mêmes adultes reconnaissent aussi que l’enfant ou l’adolescent qu’ils furent est toujours présent en eux, souvent blessé, muselé, enfoui. Ainsi, au cœur de l’adulte vit un enfant en vigilance, en réaction à la peur transmise en héritage. Carl Gustav Jung écrivait dans L’âme et la vie :
« Il y a dans l’adulte un enfant, un enfant éternel, toujours en devenir, jamais achevé, qui aurait besoin constamment de soins, d’attention et d’éducation. »
Tous les parents, eux-mêmes enfants de leurs parents, savent de quoi il s’agit. Il est encore tacitement admis que le plus jeune doit obéir au plus âgé, même lorsque cela devrait être remis en question. C’est un ordre hiérarchique transmis de génération en génération. Une forme d’omerta presque indissoluble. « C’est comme ça ! » est la formule qui illustre ce qui ne se discute pas, malgré les conflits générationnels. Ce pouvoir d’un être sur un autre, s’il n’est pas toujours de l’esclavagisme ou de l’abus, reste une forme de domination. L’enfant peut encore être vendu dans certains endroits du globe, ou abusé dans des environnements proches. Cela pose la question : s’agit-il d’autorité ou d’abus de pouvoir ? Quand un adulte est-il dans son autorité ? Quelle est la différence entre exercer une autorité et être dans son autorité ? Les termes enfant et adulte désignent deux étapes de l’évolution de l’être dans la société. La principale différence entre les deux est souvent réduite à une question d’âge. Mais cela semble bien insuffisant. Dans certaines cultures, l’âge adulte est conféré à la puberté, parfois à l’issue d’un rite de passage. Voilà qui invite à réfléchir sur le statut de nos jeunes dans les sociétés modernes : malgré leurs nombreuses tentatives d’individualisation, ils semblent condamnés à traverser bon an mal an ce que l’on appelle encore l’âge bête. Comme hébétés devant l’autorité, ils doivent patienter avant d’être autorisés à exercer la leur. Mais exercer une autorité est bien différent d’être dans son autorité.
Ce que ces jeunes, de toutes cultures, souhaitent, c’est s’affranchir pour devenir leur propre autorité. Là réside la distorsion : les enfants aspirent à devenir des individus libres et respectueux, alors que les adultes, souvent même bienveillants, confondent autorité avec pouvoir exercé sur l’autre. Pourtant, celui qui est véritablement dans son autorité n’a ni intérêt, ni besoin d’imposer quoi que ce soit. Contrairement à l’enfant, l’adulte est censé être un citoyen autonome, responsable, libre de ses choix. Il peut être responsable d’un enfant, vivre seul, et n’est plus sous l’autorité parentale. Cependant, la frontière entre les deux états devient floue, surtout avec le départ progressif des jeunes du foyer familial. L’autonomie de pensée serait, selon certains experts, la vraie distinction. Mais encore faut-il s’interroger sur ce qu’est une pensée autonome, à l’heure de la pensée unique véhiculée par les médias. Certes, les différences existent : maturité physique, responsabilité légale, droit de vote, etc. Mais passé un certain âge (douze ans, par exemple), il devient difficile de nier que les jeunes possèdent déjà des capacités de discernement remarquables. Françoise Dolto observait que :
« L’adolescent devient adulte quand les angoisses de ses parents n’engendrent plus chez lui d’effets inhibiteurs, c’est-à-dire lorsqu’il peut agir librement sans se demander tout le temps si cela ne va pas faire de peine à ses parents. »
Les jeunes perçoivent très tôt les peurs des adultes et les absorbent, faute de pouvoir s’en protéger. Cette charge émotionnelle, ils la refoulent souvent par insouciance de survie. Nombre d’adultes continuent d’agir sous l’effet de ces peurs, longtemps après l’adolescence. À force de faire de la politique avec soi-même, dès le plus jeune âge, nous nous enfonçons dans des personnalités de survie, au détriment de notre être essentiel. Pourtant, c’est bien cet enfant en nous — libre, authentique, non formaté — qui est notre personne véritable. Le terme infans, du latin "qui ne parle pas", rappelle que l’enfant n’est pas entendu, même lorsqu’il a acquis le langage. On lui donne rarement la parole au sens propre : celle qui compte, qui a du poids. La liberté d’expression reste orientée, formatée, soumise au consensus. Et si, dès l’enfance, il nous était permis d’être pleinement nous-mêmes, de maturer sans renier qui nous sommes ? Une forme de censure douce traverse même les sociétés les plus modernes. L’adulte ne parle pas toujours librement, car il n’a pas appris à se connaître en profondeur. Il ne s’exprime pas sans filtre parce qu’il n’a pas exploré qui il est véritablement. Certains médias alternatifs en font l’expérience aujourd’hui. Avoir la parole ne suffit pas : il faut pouvoir parler en son nom propre, avec intégrité. En ces temps troublés, adultes et adolescents voient leurs peurs remonter : celle du virus, de la perte de liberté, de la guerre, de la mort. Plus aucun critère ne permet de distinguer, dans l’instant critique, un apprenti menuisier de 14 ans d’un menuisier adulte, tant leurs angoisses existentielles se rejoignent. Voilà quelques éléments qui rapprochent aujourd’hui, sur un même plan, jeunes et adultes. L’enfant grandit, mais on le déforme parfois au lieu de l’aider à devenir lui-même. Il lui faudra alors du temps, du courage, de la volonté pour se reconnecter à sa personne. Adultus, en latin, signifie "qui a grandi". Mais a-t-on grandi en conscience ? Et qui peut dire qu’il a fini de grandir ? Adolescere, quant à lui, signifie "qui est en train de grandir". L’adolescent est donc celui dont l’élévation est en cours. Ne vaudrait-il pas mieux parler d’adulescents ? Des adultes en croissance continue, des êtres en expansion, qui intègrent pleinement leur autorité intérieure ? Adolescent ou adulte ? Dans nos sociétés modernes, la distinction entre ces deux statuts n’est plus si évidente. La seule liberté réelle est celle de notre intériorité. Le processus d’individualisation des jeunes est aujourd’hui crucial : bien accompagnés, ils deviendront des adultes autonomes. Ceux qui entendent l’appel de leur "ado intérieur", qui profitent des perturbations extérieures pour se libérer de leur personnalité sociale et incarner leur personne authentique, trouveront paix, sécurité et stabilité.Ainsi, adolescents et adultes sont tous deux en quête de leur identité. Ils cherchent à se dévoiler, à se révéler, car ils savent, au fond, qu’il n’est jamais trop tard pour être soi… et que le plus tôt est le mieux.
Il existe des pédagogies du vivant qui peuvent soutenir ce travail intérieur, dès lors que l’on accepte de tourner les capteurs vers soi. Les adolescents devraient pouvoir y accéder dès qu’ils ressentent ce désir profond, viscéral, de savoir qui ils sont. C’est précisément ce que propose La Pédagogie Bio-Logique©. Cette approche offre un cadre respectueux de l’individu, permettant de reconnecter chacun à sa nature propre, sans distorsion, sans jugement. Elle reconnaît l’intelligence émotionnelle, corporelle, intuitive et spirituelle comme fondamentales à la construction de soi. Elle invite à l’écoute de l’élan vital et au développement d’une autorité intérieure solide, autonome, consciente. Les décennies à venir verront probablement ces étapes de vie — adolescence et âge adulte — se fusionner progressivement, dans un processus d’évolution continue. Un temps viendra où l’adulte sera un jeune affranchi de ses peurs, en perpétuelle transformation, se libérant des formes imposées pour cheminer vers la conscience de sa pleine autorité. Il construira alors une société à son image : libre, consciente, respectueuse de chacun, et où l’autorité ne sera plus synonyme de pouvoir exercé sur autrui, mais d’autorisation d’être, au service du vivant.